Dans un atelier d’artiste, trois femmes, une danseuse et deux actrices, se mettent « au travail » pour reconstituer le portrait d’une femme dont on ne sait presque rien, sinon le jour et les circonstances tragiques de sa mort en 1310 et le seul livre connu d’elle qui a traversé les siècles, Le miroir des âmes simples et anéanties, un traité de vie spirituelle à l’ampleur et à la beauté fulgurante.
Pièce en trois parties, Les Marguerite(s) présente ainsi trois variations, trois approches de création autour d’un seul matériau, ce livre de Marguerite Porete, écrit à la fin du XIIIe siècle. Cette écrivaine, qui occupe une place singulière parmi les grandes auteures mystiques du Moyen Âge, est aujourd’hui seulement connue par son livre qui a perduré dans le temps malgré un premier autodafé et par les actes du procès de l’Inquisition qui l’a menée elle-même quelques années plus tard au bûcher sur la Place de Grève à Paris.
Menant une sorte d’enquête poétique et imaginaire, Stéphanie Jasmin s’est inspirée en partie de la forme du procès comme point de départ. Pour cela, elle a convoqué la danse pour interpréter le silence obstiné de Marguerite devant ses juges : de nouveaux témoins, cinq autres Marguerite qui ont toutes existées entre le XIIIe siècle et la période moderne et qui prennent la parole l’une après l’autre, suivies d’une jeune fille d’aujourd’hui qui arrive inopinément pour raconter sa rencontre hasardeuse avec le livre, dont l’intensité étrange se confond avec ses états d’âmes.
Cet atelier où se tissent en écho les mots et les gestes de ces trois artistes devient ainsi un lieu concret de fabrication, de création et de travail; un « théâtre qui se fait » où chacune met en place une performance pour composer le portrait cubiste d’un sujet aux parties manquantes que l’auteure a choisi de faire résonner plutôt que de la fictionner.